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FELIX QVI POTVIT RERVM COGNOSCERE CAVSAS

 » Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses  »

Virgile (Géorgiques, II, 489)

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COMMODE – Lucius Aurelius Commodus :
Depuis sa plus tendre enfance, Commode fut dépravé, pervers, cruel, débauché; même sa bouche connaissait les souillures et le stupre; il montrait déjà son habileté dans les activités peu en rapport avec la dignité impériale, comme de briser des coupes, danser, chanter, siffler, jouer enfin à la perfection au bouffon et au gladiateur. Il avait douze ans lorsqu’à Centumcellae il commença à manifester sa cruauté. Ayant en effet trouvé un jour son bain trop tiède, il ordonna qu’on jette le garçon de bain dans la chaudière; mais le pédagogue qui en avait reçu l’ordre fit brûler dans la chaudière une peau de mouton, pour que la fumée nauséabonde lui fasse croire à la réalité du châtiment.VITELLIUS – Aulus Vitellius :
Quant à Vitellius, il scande son voyage de somptueux festins. Tout est subordonné aux gigantesques appétits du ventre de l’empereur : il arrête son escorte pour dévorer dans une taverne au bord de la route des mets restant de la veille et ne peut s’empêcher, lors d’un sacrifice, d’engloutir les entrailles palpitantes des victimes égorgées. »Il avait pour les repas, écrit Tacite, une passion répugnante et insatiable. De Rome et de l’Italie, on faisait venir ce qui peut réveiller un palais blasé et, de l’une à l’autre mer, les routes retentissaient du bruit des chariots « HADRIEN – Publius Aelius Hadrianus :
Il était curieux de ce qui concernait non seulement sa maison mais également celles de ses amis et cherchait à percer tous leurs secrets en utilisant à cet effet des frumentaires *; ses amis ne se doutaient pas que l’empereur connaissait leur vie privée jusqu’à ce qu’il le leur révélât lui-même. Il n’est pas mal venu de rapporter à ce propos ne anecdote qui montre bien qu’il savait beaucoup de choses sur ses amis : une femme avait écrit à son mari pour se plaindre qu’accaparé par les plaisirs et les bains il refusât de revenir vers elle ; Hadrien en fut informé par ses frumentaires et, quand l’homme vint à lui demander une permission, il lui reprocha ses bains et ses plaisirs. Celui-ci lui dit alors : « Mon épouse t’a donc écrit la même chose qu’à moi ? ».
A cette attitude considérée comme vraiment très perverse s’ajoutent des affirmations concernant les relations sexuelles avec des hommes adultes et l’adultère avec des femmes mariées qu’Hadrien passait pour pratiquer ; on l’accusait en outre de déloyauté, même envers ses amis.

* Les frumentaires étaient des centurions détachés de leurs légions et venus à Rome pour s’occuper du ravitaillement en blé de la troupe ; les empereurs les employaient volontiers, semble-t-il, au moins au IIIe siècle, à des tâches de communication et surveillance.

On a conservé de lui bien des mots plaisants, car il était également spirituel. En voici un qui devint célèbre : il avait refusé une faveur à un homme grisonnant ; quand ce dernier revint à la charge, ; cette fois avec les cheveux teints, il lui répondit : « J’ai déjà refusé cela à ton père ! ».

Ayant un jour aperçu un esclave affranchi qui, sans le voir, se promenait entre deux sénateurs, il envoya quelqu’un lui donner une gifle et lui dire : « Ne te promène donc pas entre deux personnes dont tu pourrais encore être l’esclave ! ».
(Source : Histoire Auguste – Traduction de André Chastagnol.)

LUCIUS VERUS – Lucius Ceionius Commodus :
V. 1 Il donna un festin resté célèbre et qui, pour la première fois, dit-on, réunit douze participants, en dépit du dicton bien connu relatif au nombre des convives :  » à sept, c’est un repas, à neuf, un brouhaha « .
2 Il offrit à chacun les beaux jeunes gens qui le servaient ainsi que les maîtres d’hôtel et la vaisselle; chacun reçut aussi en cadeau des animaux vivants, domestiques ou sauvages, oiseaux ou quadrupèdes, de ceux qu’on leur avait présentés à table;
3 il gratifia également chacun des coupes utilisées pour chaque boisson tout au cours du banquet, en murrhe ou en cristal d’Alexandrie ; il fit encore don de coupes en or, en argent, ornées de pierreries, et même de couronnes à rubans d’or entrelacés de fleurs hors saison, de vases en or remplis de parfum et affectant la forme des vases (à parfum) en albâtre,
4 et, pour rentrer chez eux, de voitures avec mules, muletiers et harnais d’argent.
5 Le banquet lui serait revenu au total à six millions de sesterces.
6 Quand Marc fut mis au courant de ce festin, il soupira et plaignit, dit-on, le destin de l’Empire.
7 Après le banquet, on joua aux dés jusqu’à l’aube.
8 Or cela se passait après la guerre contre les Parthes où Marc l’avait, à ce qu’on dit, envoyé soit pour qu’il épargnât à Rome le spectacle de ses débordements, soit pour qu’il apprît, grâce à ses déplacements, de nouvelles notions d’économie, ou encore pour qu’il en revînt à peu près guéri de sa peur de la guerre et conscient qu’il était un empereur.
9 Mais la limite de ses progrès nous apparaîtra, non seulement à travers le festin que nous avons raconté, mais à travers le reste de sa vie.
(Source : Histoire Auguste – Traduction de André Chastagnol.)

ALEXANDRE SEVERE – Gessius Bassianus Alexianus :
XXXVIII. 1 Et puisque j’ai parlé de levrauts à propos de son habitude de manger chaque jour un lièvre, voici la plaisanterie en vers qui en est sortie : beaucoup de gens prétendent que ceux qui ont mangé du lièvre restent beaux pendant sept jours, comme le dit aussi l’épigramme suivante que Martial composa contre une certaine Gellia :

2 Lorsque, tu m’envoies un lièvre, tu ne manques jamais, Gellia, d’y joindre un message : Pendant sept jours, Marcus, tu seras beau.
Si tu dis vrai, si ton message, Gellia, est valable, jamais, Gellia, tu n’as mangé de lièvre *.

3 Mais Martial avait composé ces vers contre une femme laide, tandis qu’un poète contemporain d’Alexandre avait écrit les vers suivants contre lui :

4 Il est beau, comme tu le vois, notre roi,
rejeton d’une lignée syrienne ;
il va à la chasse et mange un lièvre
qui lui fournit une, persistante beauté.

5 Un ami lui avait apporté ces vers, Alexandre y répondit, dit-on, en vers grecs de la manière suivante :

6 Si tu penses que votre roi est beau,
misérable, en te fiant à de vulgaires sornettes,
et si tu les tiens pour vraies, cela ne me fâche pas.
Je voudrais seulement que tu manges beaucoup de levrauts
pour que, guéri de ta méchanceté, tu deviennes beau moralement
et que ta malignité cesse de me jalouser.

* Martial, V, 29, avec quelques variations. La superstition du lièvre par Pline, Hist. Nat., XXVIII, 260. Les trois poèmes jouent sur les mots lepus (lièvre) et lepos (beauté).
(Source : Histoire Auguste – Traduction de André Chastagnol.)

CLAUDE II le gothique – Marcus Aurelius Valerius Caudius :
Il se distinguait par le sérieux de sa conduite, une vie inimitable, une chasteté exemplaire ; il était peu porté sur le vin mais jouissait d’un solide appétit ; il avait une haute stature, des yeux brillants, un visage large et plein ; ses doigts étaient si vigoureux qu’il lui arriva souvent, d’un seul coup de poing, de briser des dents à des chevaux ou à des mulets. C’est ce qu’il avait fait, quand il était encore une jeune recrue, en se mesurant à la lutte avec les champions les plus confirmés au cours de jeux donnés sur le champ de Mars en l’honneur du dieu : furieux contre un adversaire qui l’avait agrippé non par le baudrier mais par les parties sexuelles, il lui fit, d’un seul coup de poings, sauter toutes les dents.
Cet acte qu’il avait commis pour venger sa pudeur lui valut l’indulgence ; en effet l’empereur Dèce, qui avait été témoin, exalta publiquement la vaillance de Claude et son sens de l’honneur et lui fit don de bracelets et de colliers ; il l’invita néanmoins à s’abstenir des compétitions militaires, de peur qu’il ne se livre à des gestes plus violents que ceux que tolère la lutte.
(Source : Histoire Auguste – Traduction de André Chastagnol.)

ELAGABALE – Varius Avitus Bassianus : Les loteries d’Elagabale.
Les lots gagnés par les convives étaient inscrits sur des cuillers, si bien que l’on tirait  » dix chameaux « , l’autre  » dix mouches « , un autre  » dix livres d’or « , un autre encore  » dix livres de plomb « , celui-ci  » dix autruches « , celui-là  » dix œufs de poules  » : c’était vraiment une loterie où le hasard régnait en maître.
Il utilisa le même procédé pour les jeux qu’il donnait, distribuant, selon les caprices du sort, dix ours, dix loirs, dix laitues ou dix livres d’or.
Il fut le premier à organiser ce genre de loterie, que nous pratiquons encore aujourd’hui. Il contraignit même les acteurs à y prendre part, leur réservant comme lots des chiens morts ou une livre de bœuf, ou encore cent pièces d’or, mille d’argent, cent monnaies de bronze, etc.
(Source : Histoire Auguste – Traduction de André Chastagnol.)

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